Samedi 12 février 2067: Édouard, À propos d’apatriage…
Vous êtes-vous déjà expatriés? Avez-vous déjà vécu dans des pays ayant une culture différente de la culture française? Connaissez-vous les VSI, VIE, VIA? Actuellement ces dispositifs sont faits pour le rayonnement de la France. En 2067, un mot a été créé pour ces expatriations : l’apatriage. L’apatriage a pour but de découvrir de nouvelles cultures et de développer un regard différent sur l’autre dans une logique de coopération et non d’exploitation ou de compétition..

Hier j’ai rencontré Lenny, il est arrivé il y a dix jours. C’est le correspondant canadien de Mathias. Bienvenu ! Il m’a posé quelques questions sur la production électrique du village. C’était intéressant de croiser les pratiques. Je me demande comment il voit nos mœurs, depuis sa culture canadienne. Ce serait marrant qu’il partage avec nous son petit rapport d’étonnement sur la Pesse… De quoi apprendre je pense, et rire de nous-même !  À propos d’apatriage, j’aimerais partager avec vous une anecdote. Quand j’ai lu celles d’Aurélien et Pat lors de leur tour du monde, en décembre, ça m’a fait rire, j’ai envie d’en faire de même ! 

 

Un jour, lors de mon apatriage au Bénin, j’ai été invitée avec un ami français à une cérémonie de célébration de mamie wata, la déesse de la mer. Il faisait très chaud et la journée était intense, chargée de toutes sortes d’énergies et de transes, de musiques, de danses. Avec mon ami, l’envie nous prend de nous baigner. Sans réfléchir, nous traversons la page et allons nager.

Nous apprendrons plus tard que nous avons commis le plus grand des blasphèmes ! Car ce jour-là, dans les croyances, Mamie Wata, déesse de la mer est censée emporter dans les fonds tous ceux qui s’en approchent. Quand je repense que nous faisions la planche tranquillement et ostensiblement… Voilà de quoi écrire un rapport d’étonnement voire d’indignation de la part des béninois face à ces deux « yovos » maladroits… 

À propos du vaudou et des croyances dans ce pays, je me souviens également d’une conversation marquante avec un Germain, un jeune homme de mon âge, qui m’avait accueillie comme un frère dans sa famille à Cotonou. Il m’expliquait par exemple que dans la coutume, les morts ne sont pas morts pour les vivants tant que l’on n’a pas pris connaissance du décès. Ainsi, il n’est pas rare de dîner, parler, s’amuser avec un mort si l’on ignore que celle-ci est décédée. C’est d’ailleurs ce que m’avait annoncé un vieux voisin auparavant. Étonnée par son histoire invraisemblable, mais si détaillée, j’étais troublée. D’ailleurs, cela faisait déjà 6 mois que mon apatriage avait commencé, et je commençais à lâcher certains réflexes rationnels propres à ma culture… Bref, nous parlions de cela avec mon frère Germain, je lui posais des questions sur le vaudou et il m’a dit quelque chose de très sage. À la question : est-ce que toi, tu crois à tout cela, il m’a dit : « je choisis d’y croire, par respect pour la tradition, pour les ancêtres. Il est plus facile de ne pas y croire, mais je choisis d’y croire ». Une position assumée nouvelle pour moi, qui, athée de naissance et de conviction profonde (avant cet apatriage)… une position que je n’avais jamais envisagée, considérant que ceux qui croyaient en des dogmes ne doutaient pas et faisaient preuve d’une grande naïveté… L’apatriage renverse les normes, et finalement les dogmes qui se trouvent aussi chez les non-croyants… Jamais je n’ai autant réfléchi et remis en question ce que je pensais, cela m’a permis de comprendre comment étaient forgées mes valeurs…

Crédit photo Afrikit

Marie Fidel
12 février, 2022
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