Dimanche 17 avril 2067: Côme, Moussa repart au Burkina Faso
Savez-vous où se situe le Burkina Faso? Connaissez-vous Bani, le village aux 7 mosquées? Savez-vous qu’il y a eu un coup d’état au Burkina Faso en ce début d’année? A tous les gens qui ont peur de l’étranger, je voudrais partager cette histoire de Moussa. L’expatriation n’est pas toujours un choix.

Nei beogo les agoranautes, (Bonjour en Mooré une des langues du Burkina Faso)

J’ai besoin de vous partager ma tristesse et ma joie de voir mon ami Moussa repartir au Burkina Faso. J’ai besoin de vous partager un peu de son histoire que vous ne connaissez peut-être pas car il en parle peu.

Début mai, je vais accompagner Moussa au port de Marseille pour le Burkina Faso. Il va embarquer sur un bateau pour l'Algérie et ensuite il prendra le transsaharien qui relie l’Algérie à la Côte d’Ivoire. 

Après avoir passé 50 ans en France, il a décidé de repartir sur sa terre natale. Que de chemin depuis son arrivée à 16 ans sur les rives italiennes de Lampedusa. Il a obtenu le droit d’asile en France après un an d'errance, sur les routes d’Afrique, pour essayer de rejoindre la France suite au coup d'état du 23 janvier 2022 au Burkina Faso. Il était parti 10 jours après le coup d’état suite aux affrontements entre l’armée et des djihadistes. Ses parents avaient été retenus prisonniers par les djihadistes. Lui avait pu fuir.  

Arrivé en France, il avait vécu pendant 3 ans de petits boulots dans des restaurants, où il avait travaillé dur pour avoir un logement. Il avait fini par répondre à une annonce du village qui voulait prendre un boulanger en apprentissage pour que la boulangerie ne ferme pas. Voilà 40 ans que Moussa est notre boulanger. Chacun peut découvrir ses origines en voyant son chapeau Mossi dans la boulangerie.

Vers 2027, après sa formation de boulanger, il avait choisi de rester en France malgré la mise en œuvre du plan Nelson Mandela pour les Communs qui a très bien fonctionné en Afrique. Il n’avait pas osé retourner là-bas, mélange entre la culpabilité d’être partie, l’incrédulité face à un plan qu’il trouvait si étonnant et la peur de revivre des événements douloureux. Son voyage vers l'Europe avait été si traumatisant. il en faisait encore des cauchemars. Sa vie en France se construisait. Il venait de rencontrer Sarah

Et dans les années qui suivirent, il avait appris le décès de ses parents et n’avait pas réussi à avoir des nouvelles de ses frères. Il s’était marié avec Sarah. Il avait fait une croix sur son passé. Il avait cessé de s’intéresser au Burkina Faso. La boulangerie marchait bien. Il a pris sa place au village participant à tous les chantiers participatifs, à toutes les fêtes avec sa joie de vivre. 

Le jour de ses 40 ans, le mal du pays avait commencé à apparaître. Les journaux n’arrêtaient pas de parler du miracle Africain. Il avait retrouvé trace de deux de ses frères restés au village. Il sentait un tel fossé entre leur vie et la sienne, qu’il s’était contenté d’envoyer de l’argent à ses frères pour les aider et pour participer à la restauration des mosquées de Bani, son village natal. 

En 2063, après le décès de Sarah, son nom avait été évoqué pour devenir le griot du village. Les gens avaient appris,  au détour d’un bœuf musical où il avait joué du balafon, qu’il était issu d’une lignée de griots en Afrique. Il s’était mis à pleurer. Il avait poliment refusé. Il avait vécu cet événement  comme un électrochoc. Depuis ce jour, on entendait souvent le balafon et le djembé au loin. L’été, il faisait son maraîchage avec son chapeau mossi. Il avait commencé à reporter un habit traditionnel porté dans le Sahel.

Son envie de repartir était venu un soir de discussion sur l'Afrique à l'Agora. Il avait découvert les Agoras de son village natal. En rigolant, il avait dit: « Le temps de mon apatriage est peut-être venu… » L'envie avait été très forte. Il avait repris contact avec ses amis d'enfance et avait décidé de repartir. Il allait retrouver Bani, ses septs mosquées et son Agora. Il allait retrouver la sensation du sable frais sous ses pieds au moment d’aller prier dans la mosquée de son enfance.

Le Burkina me manque aussi. J’y ai vécu dans les années 90. Ce temps est bien loin. Je l’accompagnerais bien mais je suis trop fatigué. 

Commentaire 

Denis: Côme, J’aimerais bien que tu me parles du Burkina Faso et de Bani.

Côme: Moussa, ça ne te dirais pas de déposer une trace sur notre almanagora. 

Décrouvrir Bani https://en.wikipedia.org/wiki/Bani,_Bani

Crédit Photo

Jean-Christophe LÉONARD
17 avril, 2022
Partager ce post
Archiver
Se connecter Pour laisser un commentaire