Dimanche 6 mars, Youn, souvenirs de Léon Jégaden
Hier, je vous parlais du marché du poisson, des biais sur le fonctionnement de la pêche. Aujourd’hui, je vous partage la colère des pêcheurs qui font leur métier en respectant les écosystèmes marins et les cycles de la nature. En 2067, la révolte a grondé. Beaucoup de choses ont évolué. Les restaurants offrent des repas avec ce qu’ils ont près de chez eux. C’est déjà le cas pour certains chefs cuisinier comme Alain Passard ou Florent Ladeyn.

Du poisson ! Des araignées ! Jules, Zoé, vous allez vous régaler ! N’oubliez pas ma petite commande de sardines en boîte, hein, je ferai une rillette pour distiller ce petit goût iodé dans les papilles du plus grand nombre ici. En attendant, profitez bien du séjour et la bise à vos grands-parents. Quand je pense à ce que Côme raconte, ça me fait réfléchir, les poissons vendus sur tout le territoire en masse et à bas prix, même dans les terres, je n’ai pas connu, moi j’étais trop jeune. Le métier de cuistot aussi a changé. Avant, tout le monde savait cuisiner tous les produits. Je serai bien incapable de cuisiner un poulpe, j’avoue ! J’ai un peu honte pour mes origines bretonnes… mais je trouve que la spécialisation du métier de cuisinier par terroir, ça a du bon. On n’est plus seulement cuistot, on est aussi pêcheurs ou cueilleurs ou paysans. Avant, les cuisiniers pouvaient manier aussi bien de la mangue que du saumon d’Alaska, mais ils se contentaient d’acheter leurs produits, et je pense qu’ils manquaient peut-être un peu de connaissance sur la source de leurs mets, non ? J’ai souvent entendu mon grand-père me raconter les révoltes des petits pêcheurs, dans les années 40. Parallèlement à la faillite des Intermarchés que Côme a évoqué hier, la colère des petits pêcheurs montait, montait et est devenue de plus en plus violente à mesure que les poissons disparaissaient. Ce qui était rare, à l’époque, c’est qu’elle a dépassé les frontières, les pêcheurs français qui descendaient en Espagne pour trouver du poisson ont rejoint leurs collègues espagnols qui descendaient au Sénégal pour chercher la ressource, et avec les petits pêcheurs sénégalais, ils se sont tous mobilisés pour couler les gros chalutiers qui ratissaient les grands fonds au large. Plus de poisson, plus de paie pour tous ces pêcheurs qui en avaient ras le bol, en plus de crever la dalle, d’être confondus avec les vrais coupables : les grandes flottes industrielles. L’opinion publique et certaines associations militantes écologistes ne faisaient pas forcément la différence entre petit et gros pêcheur, entre pêcheur-responsables et pêcheur-décimeurs… Pour se faire entendre, pas mal d’opérations coup de poing ont eu lieu. Cela s’est fait dans les larmes, et dans le sang. On se souvient de cette affiche de Léon Jégaden, figure de proue du mouvement révolutionnaire des pêcheurs, en 2043, il a laissé sa vie dans cette lutte, décidant de s’attacher à un chalut, il est parti au fond… Ça montre le désespoir du métier à l’époque, quand les poissons disparaissaient. Mon grand-père l’admirait beaucoup. Son affiche a toujours été encadrée au-dessus de son lit. Les modes de consommation et de prélèvement des ressources étaient sous-tension. Mais heureusement, ce petit « big bang» a donné naissance à de nouveaux équilibres…

Au fait, le menu du jour, demain, ce sera les premiers haricots de la saison. Cuisinés avec un œuf parfait… Les inscriptions sont ouvertes !  

Crédit photo Iles Baléares

Marie Fidel
6 mars, 2022
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