Lenny a trouvé son « habitacle ». Il a longuement hésité entre plusieurs vieilles voitures des années 2030, entassées dans la recyclerie proche du garage de l’agora. Ces vieilles carlingues sont victimes, comme bon nombre de biens, de l’ultra-consommation d’avant les grandes réformes de distribution de pouvoirs. Il a choisi de faire son petit nid dans un touran de 2025. C’est devenu comme une tradition ici, quand quelqu’un pose ses valises un peu plus longtemps que prévu. On lui donne la possibilité de quitter le grand dortoir au-dessus du hangar pour s’aménager un petit espace à lui, un peu plus intime. À condition de le fabriquer de ses mains, à partir du bric à brac mis à disposition gratuitement par la recyclerie.
On est heureux de partager des communs, mais on respecte les espaces de calme de chacun. Cela nous a paru fondamental. Donc, Lenny, aujourd’hui, semblait tout émoustillé à l’idée d’aménager sa petite couchette dans cette voiture familiale assez stylée, je dois le dire.
On commence à mieux se connaître, lui et moi. J’ai appris à discipliner mon bavardage enthousiaste (qui jaillit souvent lors de nouvelles rencontres) pour créer quelques silences. Et lui permettre de s’y avancer. Il a un caractère calme et taiseux. Ce qui avive ma curiosité de vieille dame. Je lui ai proposé une vieille couverture en laine orange, ainsi qu’une peau de mouton. Pour le reste, il sait où se trouve l’atelier. Nous verrons quelle drôle de seconde vie il imaginera pour ce véhicule statique. Une nouvelle fleur va pousser dans notre petite forêt de demeures insolites. J’ai un faible pour la caravane perchée de Sidonie et Macédoine, un couple haut en couleur qui malheureusement n’est pas resté très longtemps. Leur cabane sert aujourd’hui d’observatoire à étoiles la nuit et à oiseaux, le jour. Demain, j’écrirai le poème qu’elles m’avaient laissé avant de partir.