Bon, après ce qui s’est passé hier soir, je suis rentrée à la maison et j’ai proposé à tout le monde de venir fêter ça à l’abreuvoir. On a passé une bonne soirée, et quand j’ai couché ma fille, un peu tard, il faut le dire, elle m’a fait promettre d’écrire cet épisode dans l’almanagora qu’elle avait laissé sur sa table de nuit… Ah, moi qui n’aime pas écrire, ni parler de moi, je ne me sens pas très à l’aise avec cette idée…mais bon, elle a raison, je crois, si ça peut aider les autres… Alors voilà, pour ceux qui ne me connaissent pas trop, je travaille à la scierie depuis un an. Je m’appelle Laetitia. Ce soir, c’était la réunion pour déterminer les salaires de l'année suivante. Je stressais énormément !
Quand ce fut mon tour, j’ai dit à tout le monde que je souhaitais recevoir le salaire minimum. Comme je sortais d’un an d’apprentissage, je me suis dit que j’étais sacrément culottée de demander le salaire minimum d’un coopérant qualifié. Et j’ai bien vu que tout le monde croisait les bras, et que personne ne hochait la tête. J’ai même entendu Étienne dire : « Alors, quels sont tes arguments ? ». C’était un horrible moment. Je suis restée sèche. Je n’avais rien préparé pensant que ce n’était pas un sujet. Je suis timide et je n’aime vraiment pas prendre la parole devant un groupe. Je me sens pourtant à l’aise avec tout le monde à la scierie, mais d’un coup ils me regardaient tous et ça m’a mis mal ! Alors j’ai attendu que quelqu’un parle, et comme ça mettait du temps, j’ai dit que je pouvais rester à la rémunération d’apprentie, que cela ne me posait pas de problème. En fait, ils ont tous réagi en même temps, en protestant et j’ai mis du temps à comprendre qu’ils trouvaient que je sous-estimais largement mon travail. Ils m'ont invité à regarder les autres qui ont mentionné leur rémunération. Du bout des lèvres, j’ai dit que je pensais que je faisais un travail proche de ce que fait Étienne mais que j’avais moins d'expérience. La proposition de me payer au salaire médian de la scierie a émergé. J’ai eu l’envie de refuser, mais j’ai senti que ce n’était pas négociable, le groupe est plus fort que tout. J’ai rougi et j’ai souri tout le reste de la réunion. C’est une sacrée reconnaissance de mon travail. C’est vrai que je me suis beaucoup investie dans cet apprentissage, mais je n’aurais jamais pensé mériter un tel salaire. Alors ce soir, c’était tournée générale à l’abreuvoir. Je suis vraiment heureuse d’avoir changé d’activité, je me sens bien dans cette scierie cela me donne envie de donner le meilleur de moi-même pour l’équipe. Bonne nuit l’almanagora !
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Réflexion sur le revenu et sur le revenu d’actualité citoyenne:
Photo de cottonbro