Voilà 40 ans que le monde a basculé. Tout a débuté en mai 2022 après une pandémie qui a duré plus d’un an. Je m’appelle Aurélien. J’ai 42 ans. Je suis marié avec Alice. Nous avons 3 enfants : Mathias, Zoé et Jules. Mon père Julien est un enfant du millénaire. Il est né en 2000. Ma mère Léa est née en 1997.
Mon grand-père Côme s’est éteint la semaine dernière. Il avait 90 ans. Je l’ai toujours connu lumineux et joyeux. Il avait acquis une sorte de sagesse. Il semblait en paix avec lui-même, avec la société, avec la vie. Ce ne fut pas toujours le cas, m’a-t-il raconté. Pendant un mois, chaque soir, il m’a raconté comment s’est passé le grand chamboulement entre 2022 et 2034. Je n’en revenais pas. J’ai envie de vous raconter cette histoire. Mais auparavant, avec ma famille et les habitants du village, nous avons décidé de vous partager notre journal collectif, notre Almanagora durant cette dernière année 2066-2067. C’est une tradition instaurée depuis maintenant 45 ans. Chaque année un griot ou une griote est élu par les agoranautes de l’agora.
Nous vivons dans une petite ville de 1 000 habitants qui en comptait 360 en 2020. En moins de 40 ans, nous sommes revenus à la population de 1850. Tout s’est passé si vite ! Tout est si différent maintenant ! Enfin, c’est ce que me disent mes parents et mes grands-parents.
La population française est maintenant répartie sur tout le territoire. Les villages sont très vivants. Les villes ont trouvé un équilibre grâce à la baisse de la pression immobilière. Vivre à la ville ou à la campagne est maintenant un choix en fonction de la période de vie et des aspirations de chacun. La vie culturelle dans les régions d’Europe est à nouveau très variée et très riche. Les échanges sont nombreux. Le tourisme étant moins facile, les personnes n'hésitent plus à partir vivre pour quelques mois, quelques années dans différentes régions d'Europe ou du monde. Mon grand-père aimait dire que la biodiversité n’avait pas retrouvé sa dynamique uniquement dans la nature, mais également dans la vie humaine.
Il existe des agoras locales dans les quartiers des grandes villes, dans les petites villes et dans tous les villages de France. Ces agoras ont redonné vie à la démocratie, à nos campagnes. Elles sont variées, originales. Elles sont l’expression de la créativité des villes et des pays, partout dans le monde. Lieux de rencontre, de vie et d’échange, écoles, université, fablab, agriculture raisonnée, espaces de travail, lieux culturels, ressourcerie, salles polyvalentes, incubateurs d’activités, d’artisanat, conseils municipaux, centres de santé ont trouvé leur place dans ces agoras. Les centres de santé s’attachent d’abord à prendre soin des gens avant d’essayer de les guérir. Ils ont une approche holistique. Les personnes peuvent y trouver des homéopathes, des masseurs, des énergéticiens, des naturopathes, des herboristes, des personnes pratiquant la médecine chinoise, des thérapeutes, des coachs, des médiateurs, des infirmiers, des chirurgiens. Les médecins et tous les professionnels de santé sont, également, formés à toutes ces approches...
Les écoles sont maintenant intégrées dans les agoras. Elles sont à taille humaine, ouvertes à tous, pouvant aller de la petite enfance jusqu'à l'université. Chaque commune, chaque quartier a son tiers lieu apprenant. Les écoles sont devenues des lieux de connaissance de soi qui accompagnent chaque personne sur son chemin. Les campagnes ont changé de physionomie. Les personnes ont retrouvé confiance dans le collectif. La pleine activité appelée avant « plein emploi » est naturelle. La décentralisation a laissé place à la distribution du pouvoir. Les communs de proximité sont gérés par des coopératives citoyennes. L’économie capitaliste de marché a fait place à la co-construction et à la collaboration dans des coopératives d’intérêt collectif. Le réchauffement climatique est maintenant stabilisés. Ce changement dans la société a été contagieux. Les échanges internationaux sont beaucoup plus équilibrés. Les villages sont des oasis. Les grands mouvements démographiques des années 20 (2020) ont laissé la place à la collaboration et la fraternité entre les peuples. Le tourisme a changé de forme. Les gens voyagent plus longtemps. On s’apatrie plus facilement.
Les gens aiment à dire qu’ils font partie de la génération du bon sens et de l’harmonie. La génération qui a pris ses responsabilités pour préserver la biodiversité et l’humanité.
Nous voici réunis pour la passation d’Almanagora. Je passe la parole à Iolé. Elle va nous conter ce qui s’est passé cette année 2066-2067.