Mercredi 16 mars 2067 Marianne, coup de tête
Avez-vous déjà sauté dans l’inconnu? Avez-vous un rêve que vous ferez le moment venu? Et, pourquoi ne pas vous lancer maintenant?On n’a qu’une vie. A reporter au lendemain ce qu’on peut faire aujourd’hui, il est possible de passer à côté de sa vie. Et pourquoi ne pas juste se mettre en chemin vers son rêve.


Un jour, on faisait la fête, mon amoureux, son meilleur ami et moi. On revenait d’un joli voyage en camion, jusqu’en Grèce, avec mon amoureux, Maodez, et notre tout petit bébé. Sur le chemin du retour, nous nous étions arrêtés chez un ami des parents de mon compagnon. Un vieil ours bipolaire des Alpes Maritimes. Il était dans une phase « sans », alors on ne l’avait pas tellement vu. Mais on était dans son camping. Coup de cœur. Jamais je n’avais vu un camping aussi charmant. Juste de la nature. Une rivière fraîche et sauvage. Des petites prairies vallonnées et fleuries. Une petite douche en bois, avec un rideau dans le vent. Un abri ombragé. Une vieille « boîte aux lettres -tirelire » accrochée pour les passants. Et voilà. Pas d’emplacement, pas de numéro, pas de rambarde, pas de « bip ». Rien que la nature. Rien que la beauté. Rien que la confiance. Pas de sac plastique. 


En revenant de ce voyage, j’ai rêvé moi aussi de pouvoir ouvrir ce genre de camping. Nous en parlions en rigolant, avec Maodez. On était face à un grand champ des possibles. On quittait Bourg-en-Bresse pour nous installer à Saint Claude, on avait prévu de rejoindre une coopérative d’activité et d’emploi pour créer nos activités, lui comme mécanicien, moi comme formatrice en Français Langue Étrangère. Je m’étais reconvertie, mais ça, c’est une autre histoire ! Nous venions de devenir parents et cela nous avait donné envie d’absolument tout chambouler. De voyager, de déménager, de lancer nos activités. Comme si nous voulions montrer à notre bébé qui venait d’arriver qu’il y avait de la place dans ce monde pour la liberté, le mouvement, la découverte, l’aventure. Enfin, après coup je me dis ça, mais nous, on ne voyait pas à deux mètres ! Les petites nuits, les ascenseurs émotionnels, le chamboulement incroyable d’une naissance d’un enfant et de deux parents est indescriptible… un marasme, un big bang, un cyclone, une explosion de tendresse et de fatigue… Sans doute que nous voulions surtout nous prouver à nous même que ça valait le coup d’être parents, de se projeter et de projeter un petit être vivant dans ce monde… En tout cas je reviens à cette fameuse soirée… Nous avions fait garder notre petit bonhomme et nous étions en train de nous enivrer avec cet ami. Vous savez sans doute de qui il s’agit ! De Martin, bien sûr ! Il n’écrit jamais dans l’Almanagora parce qu’il s’est fâché avec les moyens de communication à distance depuis bien longtemps. Alors, Martin, Moadez et moi, nous voilà à causer à un moment où la nuit n’est plus très jeune… Et là, on lance : « tiens, mais toi, Martin, qui rêve de tenir une ferme, Moadez qui rêve de bâtir sa maison et moi qui rêve d’accueillir des gens dans un bel endroit, on a qu’à lancer un camping à la ferme ! » On a bien ri à cette idée et ça a commencé comme ça. Sans réfléchir. À l’instinct. En se marrant. Une semaine après, il y a eu l’accident très grave de la maman de Moadez. Et au même moment, Martin avait déniché une annonce de terres agricoles à vendre, sur un site de foncier agricole. Son message à Moadez : « je sais que tu n’as pas la tête à ça, mais voici ce que je viens de trouver ». Et ça nous a tenus, Moadez et moi, pendant que sa maman se battait en service de réanimation. Mais ça, c’est une autre histoire ! Moadez a fait son enquête. Il a repéré sur « Google Earth », l’emplacement exact. Eh oui, nous utilisions cette application à l’époque ! C’était l’ère du Google tout puissant. Et il est allé sur place. Il a rencontré une voisine de l’époque. Elle nous a donné le nom de Léonie. Paix à son âme. Quelle magnifique rencontre ! Une famille de La Pesse incroyable, pour ceux qui les ont connus, les Chazi. Ils ne faisaient pas l’unanimité, le grand-père Étienne, un révolutionnaire bien rouge vif qui n’en faisait qu’à sa tête. Il a même décidé de sa mort, sautant d’une falaise avant qu’on ne l’emmène en maison de retraite. C’était avant… Avant le droit de mourir dignement, avant la réforme des maisons de retraite. On était en pleine industrialisation de la gestion de la vieillesse et de la mort. Même la fin de vie devait être rentable. Berk. Passons, Étienne, lui, avait choisi son heure. Et voilà que ses enfants vendaient ses terres. Jamais je n’ai rencontré de personnes aussi intègres et humaines que dans cette famille. Quand on les a rencontrés, ils avaient déjà eu près de 50 demandes. Des agriculteurs en maïs intensif qui leur proposaient 4 fois le prix. Ils vendaient 15 hectares de terrain. Ils ont rencontré aussi de jeunes ingénieurs agronomes qui leur ont envoyé des dossiers de 200 pages bourrés de graphiques et de chiffres depuis la Nouvelle-Zélande. Et puis il y a eu nous. On n’avait rien à promettre. Juste l’envie. L’envie de vivre dans ce lieu, de le comprendre, de l’habiter, de le faire vivre. Et Léonie nous a captés. Elle a vu qui nous étions. Il a apprécié le calme, la concision, le savoir-faire, l'engagement de Martin. L’enthousiasme, l’audace, l’expertise de Moadez. Moi, je ne sais pas ce qu’il a vu en moi, mais ça a pris. Tous, à l’instinct, on a senti qu’on était cap de partager ce lieu. Et on a pas réfléchi plus que ça, on est partis à la conquête des banques.

Marie FIDEL

Crédit photo Orest Sv

Jean-Christophe LÉONARD
16 mars, 2022
Partager ce post
Archiver
Se connecter Pour laisser un commentaire