C’est marrant, en rangeant mes vieilles archives informatiques, je suis retombée sur ce texte que j’avais écrit lors du premier confinement, en 2020, au cœur de la crise sanitaire mondiale que nous avions connue. Je partage :
Du temps pour réagir
comprendre
encaisser
flipper
guérir
soigner
du temps pour se manquer
du temps pour respirer
pour manquer d’air
pour s’ennuyer
du temps pour là,
pour ici.
Du temps loin du passé,
loin du futur.
Du temps suspendu.
Du temps en cage à tourner en rond.
Du temps pour le pire et le meilleur.
Du temps pour la moitié du monde.
Du temps face à la mort.
Du temps pour les mortels.
Du temps à saisir,
à écouler, à palper…
du temps
dans les cases, les chez-soi
et le mouvement inverse
du pouls qui bat
s’accélère ou s’arrête
dans les hôpitaux.
Le grand temps du monde.
Du temps pour ouvrir la porte du frigo
bouillir, couper, saler, mâcher, gober ou savourer.
Du temps pour aimer, rejeter ou frapper.
Du temps pour les autres
sans masque
du temps pour sa gueule.
Du temps pour sentir ou ne plus sentir
aider ou se repaître.
Du temps pour la solitude
ou les amants.
La création
ou le néant.
Du temps pour les fenêtres,
les ouvertures,
du temps pour les serrures
cadenas au diapason des prisonniers.
Du temps pour les libertés intérieures
et les démons enfermés.
Du temps pour le bleu du ciel
et le bleu des coups bas.
Du temps pour l’hypocondrie
pour s’écouter mourir.
Du temps pour la mesure et la chamade
l’angoisse de l’hôpital.
Du temps pour les applaudissements
et la nausée des discours.
Du temps pour la colère
virtuelle et réelle.
Du temps pour réfléchir et maudire.
Et du temps pour l’autrement, l’ailleurs hypothétique
pour écrouler les vieux paradigmes.
Du temps pour le canapé
l’horizontalité.
Du temps pour les enfants
grands dévoreurs du temps
et vainqueurs du moment présent.
Du temps pour écouter les anciens à l’autre bout du fil.
Palper leur absence.
Du temps pour attendre, attendre…
Du temps pour attendre…
la fin du temps.
Marie FIDEL
Crédit photo Andrey Grushnikov