Samedi 20 novembre 2066: Julie, l'agroforestière, création de la forêt comestible du logement collectif d’Étienne le scieur.

Salut l’agora, ça pousse?

Je viens de voir qu’Aurélien a parlé de l’Agora du Louvre. Romain, son frère, m’a dit qu’il y va souvent pour cultiver des légumes dans les jardins du Louvre avec ses serres, ses arbres fruitiers. Leurs forêts comestibles sont extrêmement productives. Ils ont retrouvé la production qu'avaient les célèbres maraîchers parisiens à la fin du XIXème siècle.

Avant de vous raconter la plantation des arbres d’aujourd’hui, laissez-moi vous partager mon vécu d’un de mes premiers chantiers en 2040. Lorsque nous avons passé le jardin des Tuileries en forêt comestible. Il y avait des manifestations incroyables des monarchistes, des membres de l’académie française, d’anciens ministres de la culture (pas des plantes…), des sans-abris, tous attachés à l’histoire de ces jardins.
Je me souviens d’une académicienne qui m’avait asséné sur la place de l’étoile : “Je préfère mourir que de perdre le jardin des Tuileries pour garantir la sécurité alimentaire de Paris.”. J’en rigole, maintenant, mais à l’époque ça avait fait grand bruit. La décision avait été prise par référendum populaire parisien. L’état n’avait pas pu intervenir, car c’était hors de ses prérogatives depuis la constitution de 2032. Nous avions invité les académiciens à venir observer tous les jours à la même heure les jardins. Ils avaient réalisé que, finalement, il n’y mettait que rarement les pieds. Nous avions réalisé ensemble le “design” de la forêt comestible. Nous avions refait le lien avec la Seine. Nous avions recréé une harmonie tellement vivante. Tous les bassins des jardins avaient bien entendu été conservés et même mis en valeur. Les académiciens avaient finalement  compris que nous partagions le même souci de l’esthétique et du mouvement naturel des choses.

Bon bah, ça n'est pas tout ça. Aujourd’hui, on attaque la plantation des arbres de la forêt comestible d’Étienne sur les terrains que la coopérative forestière a mis à disposition près de chez lui. C’est toujours beaucoup d’émotion pour moi de lancer un nouveau projet de forêt comestible sur le territoire. J’ai le sentiment de remplir ma mission. La plupart des maisons du coin ont déjà leur forêt comestible en agroforesterie depuis pas mal d’années. Ça faisait longtemps que nous n’avions pas eu de tels projets ici. 

Son terrain est dans des pré-bois avec une terre assez pauvre. Il a d’abord passé la dernière année à observer son terrain chaque matin, à noter les températures, à identifier les parties ensoleillées, à sentir les choses. Puis, Étienne a fait un plan de sa forêt comestible. Il m’a demandé de l’aide pour trouver les essences et les variétés des plantes qu’il voulait. Depuis le temps que je me suis installé ici, j’ai acquis pas mal d'expérience. Il y a des spécificités liées au fait que nous sommes à 800 mètres. Je m’inspire de Sepp Holzer, un agroforestier autrichien. 

Ça fait plusieurs semaines que nous avons préparé le terrain. Nous avons ramené de la terre, du fumier, du charbon végétal. Un bassin a été créé avec un tracteur de garagagogo. Une réserve d’eau importante a été ajoutée pour les étés tellement chauds maintenant.

Aujourd’hui, nous attaquons la plantation des grands arbres et de quelques arbustes. Aurélien vient avec Jules, son petit dernier de 6 ans. Il nous filera un coup de main pour le bassin. Je pense qu’on a fait quelques erreurs. Je trouve que nous ne captons pas beaucoup d’eau. Lorsque Jules a vu le champ. Il m’a dit qu’il ne me croyait pas que d’ici 5-10 ans ici il y aurait des fruits, des baies, des légumes comme chez lui. Peut-être qu’un jour il prendra le relai, va savoir ? Il ne réalise pas que nous allons mettre en place un écosystème qui conserve l’humidité, qui enrichit naturellement le sol et qui s'auto fertilise.

Je vous abandonne, la vie m’appelle…

Photo de Michael Burrows 

Jean-Christophe LÉONARD
20 novembre, 2021
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