Samedi 5 février 2067, Alice, vous souvenez-vous du « marketing ? » !
En 2067, le marketing ne fait plus sens. On peut se demander ce que sont devenus les personnes qui faisaient du marketing.

Qu’est devenu le marketing en 2067?

Salut l’Agora, ça m’était sorti de la tête, mais il y a 15 jours, vous aviez lancé une réflexion sur les vieux métiers disparus. Et aujourd’hui, en récupérant les vieilles données du disque dur de ma tante (merci Karim !), je suis tombée sur quelques pépites. Iolée, je pense que cela va te parler directement par rapport à ton rôle de griote. Par exemple, les candidatures d’embauche de ma tante Nelly, à chaque fois, un CV (curriculum vitae qui retrace tous les postes et expériences et une lettre de motivation). Et j’ai découvert qu’elle avait fait sa carrière dans ce qu’on appelle le marketing, elle c’était dans le domaine alimentaire. Qu’est-ce que ça signifie, le marketing ? C’était un mot anglais qui regroupait toutes les stratégies pour pousser un consommateur à acheter un produit. C’était vaste, ça allait de l’étude de l’offre et de la demande, de la communication, de la publicité. C’était l’art de vendre, en fait. Toutes les entreprises ou presque possédaient un pôle marketing. Même les plus petits entrepreneurs étaient formés à cette technique. Vous imaginez ? Tous les talents de communication convergeaient vers cet acte ultime, suprême, presque religieux de la consommation. Ah, les années 2000 ! Je serai très curieuse de me transformer en petite souris voyageuse dans le temps pour voir ça de mes propres yeux et de mes propres moustaches ! Si ça vous intéresse, un groupe d’historiens a créé une compilation d’archives sonores et visuelles sur le sujet, qui vous plonge en immersion en plein cours de markéting comme si vous montiez votre entreprise dans les années 2020, c’est assez ludique et glaçant ! Heureusement que nous nous sommes sortis de ça. Ma tante, née en 1992, se trouvait à l’orée de la transition de ces métiers. Un mouvement commençait à poindre, qui dénonçait les « bullshit job ». Et puis bien sûr, la source, l’ADN de ces métiers était en train de se tarir, à savoir le système capitaliste qui fissurait de toute part. Vendre. Vendre. Vendre. Acheter, acheter, acheter. Ce mot d’ordre universel commençait à donner la nausée à l’humanité, doucement, mais sûrement. Alors, certains communicants, après burn-out, année sabbatique ou confinement sanitaire, ont pris du recul. Je sais que ma tante a fait un bilan de compétences. J’ai même trouvé dans ses archives numériques la trace d’un stage dans une ferme pendant un an, où elle était super contente d’avoir appris à traire les vaches à la main (c’était assez rare à l’époque) et avoir concocté des fromages et des crèmes aux œufs. Mais elle s’était aussi rendu compte qu’elle aimait son cœur de métier : communiquer pour mettre en lien. Ce qu’elle n’aimait plus, c’était l’objectif qu’on avait donné à son métier : la vente. Il y a tant de bénéfices à communiquer, s’amusait-elle à écrire, des bénéfices qu’une calculatrice et un bilan comptable ne peuvent pas noter en euros ! Ça m’amuse, car si elle savait qu’aujourd’hui, nous reportons les bénéfices humains, bien-être, sociaux dans nos comptes de résultat. Ma tante n’est effectivement plus de ce monde. Ce fut une personne merveilleuse, car à l’époque ce n’était pas évident de se reconvertir, de nager à contre-courant d’un capitalisme qui coulait et qui voulait entraîner tout le monde dans sa chute. Elle est devenue écrivaine publique. Au moment où de vieux métiers oubliés rejaillissaient et se réinventaient, avec le numérique. Non plus écrire pour vendre, mais aider à écrire pour transmettre des histoires, du vécu, de la mémoire, de la vie. D’autres confrères et consœurs à elle ont migré leurs compétences vers des métiers de sens, médiateurs, médiatrices, animateurs, animatrices de la vie locale. Médiation sociale, culturelle, pédagogique, politique, juridique. Toutes ces compétences se sont proposées en interface, pour faciliter la compréhension entre les citoyens, les décisions politiques, les jugements. Le markéting agonisait et tout le monde reprenait son souffle. Le secteur social qui était en crise a vu arriver une quantité de main d’œuvre volontaire et heureuse d’aller vers l’humain. On ne communiquait plus pour vendre, mais pour se comprendre. Cette période devait être magnifique à vivre ! Tant de passerelles étaient à inventer entre les personnes, entre les secteurs d’activité, médias, éducation, services publics, services privés, culture… En tout cas, c’est ce que je ressens quand je lis les vieux mails que ma tante envoyait à ses amis. Elle semblait heureuse de trouver un sens à sa vie. Elle s’est spécialisée dans l’édition de guides pour les personnes allophones, afin de leur expliquer le plus clairement possible leurs droits en arrivant sur le territoire français. Oui, c’est un autre sujet, mais c’était le parcours du combattant de s’intégrer sur notre territoire « français », à l’époque… Quelle honte… Enfin, le chemin parcouru me donne espoir dans l’humanité ! Je vous laisse les amis, j’ai moi-même mon premier rendez-vous à honorer « bilan des envies et potentiels ». J’ai hâte de voir émerger des pistes d’activités épanouissantes possibles pour moi… Ah oui, avant d’oublier, Eliotte, Maxime, si vous souhaitez profiter de ces archives familiales de ma tante, je l’ai partagé en accès libre sur l’espace numérique de l’agora (dans le chapitre que vous avez créé : histoire/vieux métiers). 

À bientôt ! 

rédit photo athree23

Marie Fidel
5 février, 2022
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