Vendredi 18 mars 2067 Marianne, trouver sa place
Connaissez-vous les écovillages? Pensez-vous que ce sont les babas cool du XXI ème siècle? Pensez-vous que ce sont des communautés d'illuminés? Pour moi, les gens qui créent des éecovillages recherchent une vie plus authentique et plus respectueuse des hommes et du vivant. Je vous invite à découvrir trois expériences très instructives: le ÉcoVillage de Pourgue (https://www.villagedepourgues.coop/), Tera (https://www.tera.coop/), l'oasis aerium (http://aerium-centre.org/). En attendant partons dans les souvenirs de Marianne.

Je m’en rends compte maintenant, de la fragilité et la beauté de ce que nous avons pu bâtir ensemble, sur ce lieu. Maintenant que je suis âgée et que je vois à quel point les gens autour de moi prennent soin de moi. Ils me donnent beaucoup. Les enfants, les petits-enfants courent le monde et quand ils reviennent, me comblent d’histoires, de soin, d’ailleurs. Je me rends compte comme j’ai pu ressentir de la colère pourtant ou de la frustration, à certains moments. Empêtrée dans mes maternités, mon travail indépendant que j’entreprenais à bras le corps, les petites nuits, la logistique de la vie de famille, le bois, le bois et le bois pour le feu, le feu sacré ! Et la frustration de ne pas être disponible et compétente pour le gros œuvre de notre maison. L’éloignement, les tensions parfois avec Moadez qui déployait une énergie de lion à tout mener de front. Je voulais construire cette maison avec lui. J’étais beaucoup en arrière-ligne, à gérer les repas, les enfants, à dégager la place pour qu’il avance, avec Martin. Mais quand j’y pense, j’étais utile, aussi. Pour ravitailler tous les amis, la famille qui passaient filer un coup de main. Pour faire pousser nos enfants et leur accorder un peu d’attention dans ce grand chamboulement qu’on était en train de vivre, pour continuer à nous tourner vers le dehors, à nous faire sortir du village, à être en lien avec les amis lointains. Cela n’était pas visible, mais ça participait. Je crois que c’est pour cela que je n’aimais pas quand on nous disait « vous habitez dans une communauté ». J’avais une impression d’enfermement avec ce mot « communauté », un truc qui sent le renfermé, un entre-soi sans place pour la différence. Ça ne me plaisait pas trop… Je mettais dans ce terme une impression d’effacement de chacun… De système de valeur collectif suprême. Mais peut-être parce qu’à l’époque on avait en tête certaines communautés faites de personnes qui pensent pareil et qui s’étaient construit un joli petit monde entre elles où il ne fallait surtout pas que quelqu’un d’autre y entre. Pas que ça fasse de vagues.Pas de conflit de valeurs. Moi, ça me faisait flipper ! Ce que j’aimais, c’était justement l’imperfection, la contradiction, la fragilité de chacun de nous, qui ne défendions pas d’idées haut et fort, mais qui nous contentions de vivre comme on pouvait, maladroitement dans un monde instable. Après, il faut l’avouer, on utilisait le mot « les communs », entre nous, pour désigner les ruches, les bêtes, le potager, les arbres fruitiers… et ce mot, je l’aimais bien ! L’humour était essentiel chez nous… Tout comme Fanny et son auto-dérision et ses mix musicaux incroyables ! C’est elle qui a initié Balthazar, vous saviez ? Elle avait le don de dérider et de détendre l’atmosphère en trois éclats de rire. Alors ce n’était pas un monde parfait, loin de là, ce n’était pas une communauté non plus. C’était des petits hasards, de l’amitié, du ressenti, du pourquoi pas, un peu de folie… c’était tout cela à la fois, le point de départ… Et merci la crise sanitaire et le premier confinement, parce qu’il nous a apporté Damien, le petit frère de Martin. Il s’est posé là en camion le temps du confinement. Tout comme Elsa et Félix, et Charline. Une joyeuse bande. Des festins. Des créations pas possibles ! On a fini toute la maçonnerie cette année-là. Malgré le choc frontal que se prenait l’humanité avec la crise sanitaire, nous étions résilients et solides, ici. On avait de quoi manger avec le potager et les bêtes. On avait de quoi nous occuper avec la maison à construire. On avait de quoi partager avec cette bande de 10 copains, on avait de quoi rire et s’amuser, tous ensemble. On avait la nature. Quel luxe… Quand je pense que mes enfants ont eu le luxe de grandir dans un endroit sans limites où il n’y a pas de route… pas d’endroit interdit… Je vous assure, c’est difficile à imaginer, mais à l’époque, dans les années 2020, c’était un réel luxe. Un endroit sans clôture, sans barrière, avec des champs et des arbres comme terrain de jeu…

Voilà pourquoi j’ai ressenti de la joie, l’autre jour. Parce que je sais qu’on n’est plus des privilégiés aujourd’hui. Je sais que ce que j’ai vécu jeune, tout le monde peut le vivre aujourd’hui. Et ça, du haut de mes 81 ans, ça me remplit de joie ! On était pas des visionnaires, maman, j’ai envie de te dire, on était juste connectés à nos besoins humains… On a eu la chance de pouvoir les écouter et les combler… Beaucoup de chance. J’aimerais que tu puisses voir d’où tu es que le monde est un peu moins fou, et que ce que nous avons vécu, qui t’étonnait joyeusement à l’époque, beaucoup de personnes l’ont vécu aussi, en parallèle. C’était un mouvement global et naturel. Plus le bateau fonçait dans le mur, plus on approchait du point de rupture, plus le malaise devenait invivable dans notre système, plus les gens se reconnectaient à leurs instincts et leurs besoins humains essentiels, et avançaient sur un autre chemin… l’air de rien ! 

Iolé, les histoires…

Merci Marianne, pour ton histoire. C’est complètement le sens de l’Almanagora. Je rebondis, sur la force des histoires. On a commencé à s’en rendre compte dans les années 2010. Je le sais, parce que c’est l’objet de ma recherche sur l’évolution des moyens et usages de la communication, quand j’ai commencé mon parcours d’apprentissage sur les sens, les langues, les écritures, et les arts… Storytelling ça s’appelait. On s’est rendu compte, pour de mauvaises raisons ça c’est sûr, de la puissance des histoires. On tombait de haut. Ça me fait rire, tous ces métiers disparus du marketing, qui pensaient inventer l’eau chaude en utilisant la structure narrative, alors qu’ils redécouvraient simplement les modes ancestraux de transmissions, l’art des contes et des histoires ! C’est fou comme le capitalisme a essayé d’exploiter tout ce qui fait la beauté de nos sociétés humaines pour vendre, vendre, et vendre. Mais je crois qu’ils ont oublié l’essentiel, une histoire n’a de la valeur que si elle est sincère et désintéressée… À méditer… 

Crédit photo

Partager ce post
Archiver
Se connecter Pour laisser un commentaire