Vendredi 3 décembre 2066: Benoît, Apprentissage de Pythagore dans un chantier participatif

On ne pensait pas le commencer ce matin, le chantier d’extension des halles. C’est parti d’un coup de nerf, ce matin, à l’agora. Plusieurs enfants étaient penchés sur un livre de mathématiques de géométrie, et ont commencé à se disputer à propos de Pythagore. Enfin, ils se disputaient surtout sur les applications possibles du théorème. Une petite fille s’était mise à hurler que sans Pythagore nous n’aurions pas de toit sur nos têtes tandis qu’un petit garçon ricanait que cela ne servait à rien, strictement à rien. Il s’appelle Camille. D’autres encore pensaient que certains théorèmes étaient de purs amusements de mathématiciens. Je passais près de l’agora justement à ce moment-là, je revenais de la scierie. En étendant crier, j’ai passé la tête et quand j’ai vu les enfants dans cet état, j’ai pris un coup de sang et je leur ai dit de me suivre. 

« On va construire l’extension des halles, venez ! ». Le temps de repasser à la scierie demander si des volontaires étaient de la partie et nous voilà sur place, avec Étienne et Laetitia. Lenny nous a rejoints à son tour. Il en avait marre d’écouter les oiseaux, tout seul, pendant des heures. Il avait envie « de remettre les pieds sur terre », comme il dit, depuis que Marianne lui a appris l’expression. J’ai reconnu dans le groupe Mathias, le fils d’Aurélien et Alice. 

J’ai pris une craie et j’ai tracé au sol le rectangle formé par le futur bâtiment prévu pour accueillir de nouveaux chalands, pour le marché et les foires. J’ai demandé aux enfants de mesurer. 7 mètres par 10 mètres. Ils se sont assis au centre, et j’ai commencé à leur expliquer. Sur une charpente, on a différentes pièces. Les horizontales qu’on appelle sablières, pannes intermédiaires et la panne faîtière. Les pièces verticales, ce sont les fermes. Dans une ferme on a les entraits, les jambes de force, les poinçons, les fermes, les arbalétriers. Les enfants étaient calmes, à l’écoute. Laetitia a poursuivi. Quand on réalise une charpente, l’étape 1 est de prendre les côtes sur le chantier ou sur les plans. « C’est fait ! » se sont exclamés à juste titre les enfants. L’étape deux est de débiter le bois dans la scierie. « C’est fait ! », a repris Étienne, en rigolant. L’étape trois nous attend. Il s’agit de tracer l’épure au sol. C’est un dessin de la charpente en 2 D, grandeur nature, à l’échelle 1 sur lesquelles tu viendras ensuite poser les pièces. Les enfants ont compris le but du jeu : trouver les points de rencontre des pièces de bois. On appelle cela rembarrer, c’est-à-dire tracer sur chaque pièce l’endroit où on doit couper. À ce moment-là, ils étaient si captivés ! « C’est pas toi qu’on va rembarrer ! » m’a lancé Étienne. Éclat de rire général. J’ai expliqué aux enfants que pour battre le trait, comme on dit, pour tracer la charpente au cordeau, on avait besoin de lapin. Le mot les a fait sourire, il désigne à la fois l’apprenti et l’outil. Ils voulaient tous être lapins aujourd’hui. Je leur ai expliqué qu’on a fait notre vue de dessus, et que nous allions la développer pour trouver tous les points, par géométrie pure. Pour cela, ils en ont déduit petit à petit qu’on aurait besoin de trigonométrie, de Thales et de… tiens donc ! Pythagore, le revoilà, celui-là. On allait avoir besoin de les utiliser pour vérifier nos tracés. Comme nous connaissons les dimensions du bâtiment, le rectangle formé par les murs, et également l’angle du versant A et B (30°, selon les toits classiquement construits dans notre région), nous nous sommes amusés à chercher la hauteur de notre futur toit. Tous ensemble, nous avons tracé la ligne du bas, et les deux angles, cela nous a donné la hauteur. Puis nous avons tracé les arêtiers. Comme les enfants en redemandaient, maintenant qu’ils avaient fait le dessin par simples lignes, ils ont tracé les épaisseurs des bois. J’étais parti pour tracer toutes les pièces. Mais on commençait à gargouiller sec, dans les estomacs… Après un bon casse-croûte partagé et improvisé, on a tracé les détails, les chevrons, les pannes. C’était génial ! On s’est quittés à la fin de la journée super heureux de ce projet qui se concrétisait. Je crois que les enfants ont compris pas mal de choses, à travers ce travail logique. Ils ont confié à Étienne une précieuse feuille avec toutes les dimensions des sections de bois qu’il faudra débiter et tailler à la scierie. Quand ce sera fait, dans quelques jours, on pourra procéder à la « mise sur ligne ». Cela veut dire qu’on positionnera nos poutres sur notre dessin. On tracera tous les assemblages, les tenons, les mortaises, les embrèvements. Le plus dur pour les petits [et les grands], ça va être de patienter.

Crédit photo : Image by Christian Dorn

Envie de vous partager cette vidéo qui montre bien comment apprendre en faisant: https://youtu.be/8TmYdAUX6pA

Marie Fidel
2 décembre, 2021
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